Qu’est-ce que la rénovation cadastrale au Québec?

D’ici à 2021, quelque 3,8 millions de lots répartis sur l’ensemble du territoire du Québec auront fait l’objet d’une rénovation cadastrale, un programme entamé il y a déjà une trentaine d’années. Au 31 mars 2016, plus de 3,29 millions de lots avaient été officialisés, non sans mal parfois, soit 86 % du total. Pourquoi ces grands travaux, comment avancent-ils et quelles en sont les principales conséquences ?

Rénovation cadastrale au Québec : toute l’histoire

Le cadastre est un registre public, conservé sous forme de plans. Il détermine la propriété sur laquelle portent les droits fonciers des propriétaires. Une propriété est représentée au cadastre par :

  • son numéro de lot
  • la forme du lot, ses mesures et sa superficie (plan)
  • sa position par rapport aux propriétés avoisinantes

Le cadastre sert :

  • à permettre l’inscription des droits fonciers
  • aux municipalités, à établir la taxe foncière et à appuyer la gestion de leur territoire
  • à installer les réseaux de gaz, d’électricité, les aqueducs et le téléphone
  • à appliquer des lois, dont celles sur l’aménagement et l’urbanisme, les biens culturels et la protection du territoire agricole

L’origine du cadastre au Québec date de 1860, une période à laquelle le législateur n’obligeait pas les propriétaires à faire immatriculer au cadastre les parties de leurs propriétés qu’ils voulaient vendre avant de procéder. De plus, quand il n’y avait aucun plan d’ensemble dans le passé, l’arpenteur-géomètre qui pensait qu’une correction était nécessaire pouvait procéder unilatéralement à la correction du lot de son client sans assurer la cohérence avec les lots voisins.

Le programme de rénovation cadastrale a bénéficié d’une relance en 1992. Devenu avec le temps incomplet et imparfait, le registre avait en effet besoin d’une grande révision.

Quelque 850 000 propriétés n’étaient pas immatriculées distinctement au cadastre et pas moins de 750 000 lots déjà représentés au cadastre contenaient des anomalies (inexactitudes ou incohérences).

Comment se déroule la rénovation cadastrale ?

Pour assurer le succès de la rénovation cadastrale, le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles attribue, par appels d’offres, des contrats à des arpenteurs-géomètres qui pratiquent en cabinet privé. Chaque propriétaire reçoit ensuite par courrier son nouveau numéro de lot.

Une invitation du ministère est envoyée aux municipalités dès la fin des travaux pour inviter à une rencontre avec les citoyens désireux d’en consulter les résultats avant que celui-ci ne soit rendu officiel au Registre foncier.

Les objectifs de la rénovation cadastrale sont les suivants :

  • de trouver et de corriger les anomalies inhérentes aux plans cadastraux existants
  • d’intégrer sans modification les lots correctement représentés aux plans cadastraux existants
  • d’identifier et de représenter toutes les propriétés qui ne sont pas immatriculées de façon distincte
  • de simplifier la représentation du morcellement en regroupant les parcelles formant une même propriété sous un seul numéro de lot
  • de produire le plan cadastral de rénovation en version électronique

Qu’est-ce qui change après la rénovation cadastrale ?

Par rapport à l’ancien registre, le mode d’acquisition et le numéro d’inscription du titre à l’origine du droit du propriétaire sont ajoutés. Les autres informations demeurent identiques, avec des données ajustées le cas échéant.

Le cadastre rénové bénéficie en outre de deux présomptions :

  • que la description du lot contenue dans le titre d’acquisition du propriétaire et dans les actes constatant les charges, priorités, hypothèques ou autres droits affectant ce lot, est présumée concorder avec celle du lot montré sur le plan de rénovation (article 19.2 de la Loi favorisant la réforme du cadastre québécois)
  • que le cadastre rénové est présumé exact (article 3027 du Code civil du Québec : « le plan cadastral est établi conformément à la loi et fait partie du registre foncier »)

Le plan cadastral transmis sur support papier, s’il n’est pas reproduit sur un support informatique, est conservé dans le bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière dans laquelle les immeubles visés par ce plan sont situés.

Les petits soucis de la rénovation cadastrale au Québec

Bien évidemment, face à des travaux d’une telle ampleur, elle eût été bien difficile d’éviter quelques chicanes. D’anecdotes cocasses en situations loufoques, voici un petit florilège recueilli dans la presse.

Au lac Aylmer, des propriétaires se sont ainsi retrouvés avec de nouveaux voisins lacustres. En effet, quelques surprises inattendues ont été constatées étant donné qu’anciennement le lac était beaucoup plus bas et que la cote a changée. Des propriétaires submergés au cadastre ont dû aller jusqu’au tribunal pour faire valoir définitivement leur titre exact de propriété, sans la partie immergée du lot.

En 2016, 40 résidents de la Ville d’Estérel ont remarqué qu’apparaissait, après la rénovation cadastrale, une bande de terrain ne leur appartenant pas au bord de l’eau. Ils estimaient que la nouvelle version pouvait avoir une influence directe sur la vente de leurs maisons en bordure des lacs. Beaucoup de certificats de localisation précédents ne mentionnaient pas l’existence de cette bande riveraine. À l’ancien cadastre datant de 1963, le bord de l’eau apparaissait sans restriction.

En 2017, une quinzaine de propriétaires de Pointe-aux-Outardes ont eu la surprise, en consultant leur avis de taxe foncière, d’avoir ensemble perdu l’équivalent de 172 terrains de football sur leurs terres privées. Au total, 922 486 mètres carrés (227 acres) ont été retranchés de leurs terres situées en zone agricole, sans que les propriétaires en soient avertis et sans aucune forme de compensation prévue.

Au début de l’année 2018, la municipalité de Montcalm a alerté la presse après avoir vu 16 de ses propriétés disparaître ! La ligne tracée il y a 110 ans était fausse et les propriétés se trouvent désormais sur le territoire de Lac-des-Seize-Iles. Avec des taxes deux fois moins élevées à Montcalm, on imagine bien le désarroi des propriétaires concernés.

Ces exemples illustrent l’importance pour les propriétaires de bien contrôler leur nouveau titre de propriété car « errare humanum est ». Les recours sont bien entendu possibles mais obligent certains propriétaires (ou certaines municipalités) lésés à engager des procédures parfois longues et coûteuses. Heureusement, ces cas sont rares et le gigantesque programme de rénovation cadastrale au Québec devrait pouvoir arriver à son terme comme prévu en 2021 sans trop de querelles.